05 septembre > 12 octobre 2020

Benjamin Roi

Here the sun rises 24 times a day

Here the sun rises 24 times a day

Une palissade de chantier dressée dans la lignée d’un vitrail à la forme ronde, quatre autres vitraux
occultés, cinq vidéos de deux minutes chacune, la pénombre d’une église du XVIII e siècle, telles sont
les modalités de l’exposition Here the sun rises 24 times a day de l’artiste Benjamin Roi.
L’installation présente des vidéos empreintes de présences quasi fantomales sur fond de jeux vidéo et
déploie un double questionnement : la liaison entre des actions courtes émanant de quelques portraits
d’hommes et de femmes filmés sur fond vert au premier plan et la traduction numérique et visuelle de
paysages exploités pour leur potentiel interactif au second plan. Le caractère a priori hybride de cette
longue fresque sociale participe à la réussite d’une redéfinition de la fiction au contenu sociocritique
marqué.
Complexe et en perpétuel devenir, la démarche de l’artiste réside dans le fait que le spectateur est
invité à interpréter une matière quasi vivante et précalculée par des concepteurs de jeux vidéo pour en
réinterpréter les contours. Les univers virtuels existants évoluent et se décomposent en cinématiques
pour s’associer à une installation artistique contemporaine. Les images mouvantes dont l’intrigue
prend place dans un monde fictionnel oscillent entre paysages en désordre, chutes, incendie,
catastrophes, fuites, constructions urbaines et lever de soleil. En éprouvant cette installation, le
spectateur est dans l’attente d’une nouvelle catastrophe que présentent les scènes de jeux vidéo, mais
aussi à la lisière d’un état de latence similaire aux portraits dépeints sur fonds verts. Pour autant, le
monde présenté n’est pas en train de péricliter, au contraire, il incarne quelques pans de réalité où le
visiteur est invité à se réfugier pour porter une réflexion plus large sur le monde et les êtres humains.
Les logiques d’immédiateté et les phases d’actions se renouvellent, les respirations des figures
humaines devenues des personnages sont fortes, un homme n’a de cesse de boire du soda tandis
qu’une femme fume sans se soucier du chaos présent derrière elle. La dimension de l’œuvre tant
physique que conceptuelle permet l’immersion du spectateur au cœur de cette dernière. Néanmoins,
les différents éléments constituent des espaces de production au sein desquels une narration se
construit. Le terrain de jeu se transforme et glisse vers une fresque où la tension des affrontements et
des effets climatiques vient se mouvoir avec une forme de fascination repassant sans cesse du monde
virtuel au monde réel. On pense par exemple à la lumière traversante lorsque le soleil vient heurter les
vitraux de l’église. Ce phénomène se recoupe avec la puissance évocatrice et symbolique des
nouvelles projections. Une lumière nouvelle aux couleurs vives et presque artificielles narrant aux
visiteurs l’histoire d’êtres dont l’ennui semble plus fort que les ruptures perceptibles en arrière-plan.

Here the sun rises 24 times a day a-t-elle pour vocation de faire surgir les dysfonctionnements d’ordre
économique et social ? Générative et interactive, cette œuvre est une création mouvante et captivante,
où les images, leurs formes et le sens que chacun y projette se modulent sans cesse. Benjamin Roi fait
état d’une transmission généreuse, celle de ne plus être l’unique créateur de son œuvre, mais bien le
médiateur des interactions entre le public et celles-ci. La construction de la matrice narrative et les
mécanismes mobilisés pour construire une nouvelle signification — qui n’est dorénavant plus propre à
la narration vidéoludique — mettent en avant un parti pris audacieux, celui de s’inscrire à contre-
courant du divertissement pour mener une réflexion forte sur la portée des images fixes et mouvantes.

Cyrielle Lévêque

Benjamin Roi

Benjamin Roi est né en 1980 dans la Marne et a grandi en Seine Saint-Denis. Il est titulaire d’un diplôme en photographie obtenu à Paris en 2000. Ses images montrent des personnes immergées dans une action, dans l’entre-deux d’une métamorphose ou encore en état d’épuisement. On y voit des Femmes chez le co...

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